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« Rue des Kebabs » est un documentaire réalisé par Catherine Gauthier, socio-anthropologue, photographies Sandrine Binoux, son Dan Charles Dahan, montage Carla Neff assocation « A l’œil nu » ©RESSOURCES/ENSACF – Tous droits réservés 2020.
Ce documentaire s’articule à un travail de recherche socio-architectural conduit au sein du laboratoire de recherche Ressources de l’ENSACF et de l’UCAA. Le film comme le programme de recherches actions culturelles « Rue des kebabs » ont été réalisés pour partie dans le cadre de résidences à la Villa Sabourain de l’Ecole Nationale Supérieure de Clermont-Ferrand en juin 2019 et juillet 2020. Ils ont été restitués en novembre 2019 lors de la semaine de l’image à l’ENSACF avec une présentation photographique et un teaser de 4 mn et en Janvier 2021 sur la chaine YouTube de l’école avec un premier court métrage intitulé « Rue des kebabs ». L’ensemble du programme de recherche actions culturelles bénéficie du soutien de l’appel à projet « Mémoires du 20ème et du 21ème siècle » financé par la DRAC et la Région Rhône-Alpes en 2019 et 2020.
Synopsis :
Au fil des rues marchandes des quartiers populaires des centre ville, de Saint-Etienne, Clermont-Ferrand et Montluçon en région Rhône-Alpes, ce film cherche à interroger et croiser les différents regards portés sur ce qu’on appelle la « rue des kebabs ».
Il tente de saisir les modes d’usage de ces lieux de consommation et de sociabilités ordinaires, tout en s’efforçant de comprendre comment ces commerces participent à la dynamique économique, sociale et co-construisent l’image de villes pleine mutation.
Là où est désigné un trouble de l’ordre publique, esthétique, social, culturel- le film essaie de restituer l’ordre de ces rues :
– Un ordre (cohésion sociale) qui relève plus de la veille sociale et du maintien de lien de sociabilités dans des quartiers défavorisés ou malmenés par les démolitions-reconstructions où il fait généralement défaut. On y relève une mixité sociale plus réelle qu’ailleurs, même dans les grandes enseignes de fast food qui ne proposent pas de viande Hallal par exemple. En milieu semi-rural, le kebab reste également le signe du vivant, de la rencontre, de la convivialité, de la présence de la jeunesse.
– Un ordre public celui de la régulation du désordre dans les usages de la rue, qui canalise la délinquance par une veille aux jours et heures les plus creuses des quartiers populaires et petites villes de nos campagnes. Un code moral s’impose également au sein des ces commerces à la conduite des client-e-s, variable selon les temporalités.
– Un ordre commercial et de services : celui du libéralisme et de la concurrence par concentration, celui de l’ubérisation et de la dématérialisation de la consommation. Par ailleurs, si les enseignes crachent une lumière crue, c’est bien souvent la seule à demeurer allumée les dimanches, jours fériés et au cœur de la nuit. L’animation de l’espace public est ainsi fortement liée à leur présence, ouverture, fermeture.
– Un ordre urbain et ou architectural : celui de pas-de-porte ouverts, de rez-de-chaussée assurant une certaine vitalité pour l’immeuble qu’il supporte, dans des territoires peu denses, particulièrement en quartier sensible, subissant une décroissance urbaine et économique. Ils dessinent dans l’espace urbain les axes d’une consommation singulière et d’une clientèle mobile et variée, tendus entre l’hypercentre, ces centralités populaires et les périphéries et marges urbaines.
La méthodologie :
Trois rues, axes urbains, reliés à l’hyper centre, ont fait l’objet d’investigations ethnographiques et de collectes photographiques et sonores: Rue Antoine Durafour à Saint-Etienne, boulevard Trudaine et avenue Charras à Clermont-Ferrand et avenue de la République à Montluçon.
D’autres centralités doivent être étudiées en phase deux dans le département de la Loire à Boën et dans le Puy de Dôme à Ambert, ou encore à Commentry dans l’Allier et faire l’objet d’un second court métrage en 2021.
Nous avons procédé à l’analyse du discours de commerçants, d’aménageurs et de membres des collectivités locales mais aussi des riverains, entrepreneurs et clients de ces établissements à partir d’entretiens formels misant sur les compétences et expertises du quotidien de ces différents acteurs. Des ateliers de réécoutes et visionnages du premier court métrage réalisé, devaient se faire sous forme d’ateliers avec des scolaires et des étudiants mais la crise sanitaire en a décidé autrement.
Ce projet de recherche se décline en effet en actions culturelles et pédagogiques, expositions, conférences, plateaux radio… dans chacun des territoires étudiés, visant un public hétéroclite. La forme du documentaire nous permet de répondre à la logique d’une « anthropologie partagée » expression utilisée par Jean Rouch reprise ici pour désigner la posture assumée de l’anthropologue qui soumet ses résultats à ses interlocuteurs, aussi variés soient-ils : le décideur, l’aménageur, le financeur, le commerçant, l’habitant, l’usager, le client, le touriste, l’éducateur, l’animateur ou le représentant associatif, l’électeur…
Le temps long de l’enquête et de la réalisation permet à l’équipe filmique de se constituer autour du sujet et à l’anthropologue de mieux identifier son objet, d’en préciser les contours et d’en repérer les enjeux sous-jacents, de multiplier les occasions de réflexivité et d’évaluer son rapport au terrain, les enjeux de politique urbaine, les jeux d’acteurs, les rapports de domination et les réseaux de sociabilité à l’oeuvre.
Nous tenons à remercier pour leur collaboration les commerçants et clients des kebabs, sandwicheries et autres établissements photographiés ainsi que les jeunes de l’ANEF Loire : A Saint-Etienne, le Snack Saint-Roch, Exo Pizza, Original Food, Le Kasseria, Super Market, Salon De Kebab, John Slim Chicha, Deer Kebab ; à Clermont-Ferrand Le Classico, Le Carthage, Le 29, Royal Kebab, Le Mevlana, Café Istanbul, Chez Mouss, O’swim, Les Marchés De Max et Lucie, King Naan Cheese, King Phone ; à Montluçon le Donya Kebab, La brasserie de l’Europe, Le Prestige , Le Dauphin D’or, Restaurant Antalya, Royal Pizza, Dastan Kebab.